Un jour le lion, le renard et l'âne chassèrent ensemble, et prirent une belle biche. Celle-ci ne fut pas plutôt par terre, que l'âne la dépeça, les parts faites, il se jeta le premier sur la plus grosse des trois et s'en saisit. Cette indiscrétion déplut au lion, et à tel point qu'il se lança sur le baudet, et l'étrangla. Alors le renard, qui appréhendait le même traitement, se garda bien de prendre la part qui lui appartenait ; au contraire, il la joignit à celles du lion et de l'âne, et les lui céda toutes trois. A ce trait d'honnêteté, le lion qui, un moment auparavant, était sur le point de faire au renard ce qu'il avait fait à l'autre, se radoucit : il fit plus, comme il était content d'avoir la biche tout entière, il le remercia de sa courtoisie. Ainsi le renard se tira par son habileté d'un danger où l'âne s'était perdu par son imprudence.
Courtisans, c'est à vous que ce discours s'adresse,
Imitez du renard la politique adresse :
Avec plus fort que vous, ne tirez au bâton ;
Et quels que soient vos droits, cédez tout au lion.
Un laboureur tendit ses réseaux, une cigogne et quelques oiseaux de proie s'y abattirent. Alors l'homme les prit, et tua les derniers. Comme il se mettait en devoir de tuer encore l'autre, celle-ci lui remontrait qu'elle n'était ni méchante, ni complice des brigandages que ceux parmi lesquels elle se trouvait prise avaient exercés, et partant, que c'était une injustice criante de vouloir, en la confondant avec eux, lui faire le même traitement qu'il leur avait fait. Tu mourras, repartit l'oiseleur. Comment veux-tu que je te crois bonne, quand je te trouve en si mauvaise compagnie ? Cela dit, il lui tord le cou.
C'est ainsi que, surpris parmi les scélérats,
Vous auriez beau crier que de leurs injustices
Vous n'êtes point l'auteur ; on ne vous croira pas.
Les hanter, c'est se mettre au rang de leurs complices.
Un boeuf suait à tirer la charrue sur un terrain fort pierreux. Une vache en riait : Pauvre malheureux! lui criait-elle, je ne doute point que tu m'envies cent fois le jour mon sort ; avoue que tu voudrais te voir nourri et chéri comme je le suis, sans essuyer la moindre fatigue. Comme elle parlait, un sacrificateur arrive et lui fait prendre le chemin de l'autel, et là l'immoler à son dieu. Orgueilleuse, lui dit alors le boeuf, ton sort te semble-t-il maintenant si digne d'envie ? Il est vrai que je viens de souhaiter d'être à ta place ; mais confesse, à ton tour, que tu voudrais bien te voir à présent à la mienne.
Qui drape-t-on ici ? Ce faquin qui me raille,
Lorsque, par un édit,
Thémis va le livrer, sans bien et sans crédit,
Aux outrages de la canaille.